20 Septembre 2016
7h00 du matin sur le quai de l’autre côté de la ville. Les camions enchaînent les marche-arrières les uns après les autres pour décharger leurs cargaisons sur le bateau qui assure la liaison vers l’île de Cham.
Scooters, cartons de bière, réfrigérateurs, volailles… le bateau se décolle doucement du quai et nous commençons la descente de la rivière vers son embouchure. Pendant une heure, quelques bateaux viendrons encore bord à bord compléter le chargement avec des cochons, du matériel de construction ou d’énormes sacs de riz pour la cargaison de l’armée qui occupe la partie Nord de l’île, zone interdite absolue.
La traversée se passe sur une mer d’huile et chacun cherche un coin d’ombre pour se protéger du soleil du matin, assassin. Bercés par le léger roulis, le rythme languissant du moteur nous invite à une douce sieste, le regard se perdant parfois sur des bateaux de pêche qui larguent des centaines de petits papiers dans leur sillage, prières qui doivent assurer une pêche prospère et abondante. L’ambiance est calme, reposée, les coups de klaxon et l’agitation de la ville ne sont plus qu’un lointain souvenir…
Il faudra encore prendre un deuxième petit bateau pour accoster dans le petit village de Bai Huong. Le progrès, ici encore, a fait son chemin. L’électricité est maintenant continue alors qu’il fallait gérer avec les coupures et le rationnement il y encore très peu d’années. La route est bétonnée, les téléviseurs sont la norme et les telenovelas à la sauce vietnamienne bercent les soirées des habitants. Mais il reste cette âme Cham, cette identité que l’on ne pourra jamais enlever comme aucune autre nulle part ailleurs sur cette terre. les bateaux ont deux yeux, comme des lumières qui guident le chemin des marins, comme pour mieux se rassurer sur une mer qui peut vite se déchaîner. La saison des typhons se termine mais les tempêtes sont monnaie courante, il faut rester humble face à cette mer de Chine qui reste malgré tout abondante en langoustes, crabes, cigales de mer, calamars, et un nombre impressionnant d’espèces de poissons tropicaux. La pêche se fait principalement au casier et ravi les nombreux touristes chinois qui débarquent chaque matinée au village, ainsi bien sûr que les restaurateurs de Hoi An qui jouissent là de produits d’une incroyable fraîcheur, ils restent de longues heures dans l’eau avec de petites pompes pour oxygéner le précieux fruit du travail des pêcheurs. Le tableau des petits stands qui vendent les fruits de mer au bord de la plage semée de « baskets boats », ces petits bateaux ronds typiques de la région, est un pur délice pour les yeux.
Pendant ce temps, Hangh répare son bateau qui se fait vieux. Son expertise pour tailler le bois patiné par le soleil et les embruns m’impressionne. Un simple ciseau à bois devient entre ses mains un instrument d’une précision diabolique. C’est une partition de chef d’orchestre qui se joue sous mes yeux et je ne me lasse pas d’admirer l’artiste. Je passerai toute l’après midi à le regarder travailler, et même si nous n’arrivons pas à communiquer, le langage corporel et les regards échangés sont emprunts de respect et de tolérance mutuels. Cet après midi, le moteur est enfin fixé sur le fond arrière de la coque, demain il pourra commencer à refixer les bancs. On fera avec le bois déjà présent, faire venir du bois coûte cher depuis le continent et seules les pièces maîtresses sont remplacées intégralement. J’aurais aimé suivre l’avancée des travaux plus avant mais il est bientôt temps de rejoindre le continent après une douce nuit bercés par le rythme langoureux de l’océan. Lâu Thu nous raccompagne sur le quai pour un dernier au revoir et quelques photos reçues avec de grands sourires de la part d’habitants qui vivent bien dans notre monde, mais aussi et surtout bien en dehors du temps…